Commençons par le sujet qui fâche !
En effet, entendre un jeune élève jouer ses premières notes au violon peut être une épreuve redoutable pour les parents qui sont habitués aux sons merveilleux de cet instrument, une fois maîtrisé a minima.
Et parfois même, l’entourage de ces élèves ne peut s’empêcher de les reprendre sur un mi trop bas, ou un fa# trop haut… ce qui a tendance à décourager ceux qui font tant d’efforts pour jouer les bonnes notes, les bon rythmes, les bonnes nuances, avec des gestes de danseurs ou d’acrobates.
« Jouer juste ». Comment traduire au mieux cette expression ?
Dans son livre « musique et tempérament », où il raconte et explique l’accordage des clavecins, Pierre-Yves Asselin indique ceci : « …il est proposé de n’employer le terme juste que pour signifier le fait qu’un intervalle souhaité, quel qu’il soit, a bien été obtenu. »
La pratique du violon, nous montre qu’en effet on peut choisir entre des mi et des fa# différents, selon les contextes harmoniques ou mélodiques de la partitions. Cela est valable dans la musique occidentale, et encore davantage dans les musiques du Maghreb et du Moyen Orient.
Alors si on garde cette idée que la note juste est celle qui a été désirée, on peut se demander comment désirer cette note, ou cet intervalle…
C’est la qu’interviennent, à mon avis, deux choses importantes dans l’apprentissage de la musique : – l’imagination
– la conviction
L’imagination permet d’entendre ce que l’on va jouer. Il est nécessaire d’entendre intérieurement les notes ou les intervalles que l’on veut jouer, avant de les réaliser. C’est ce qu’on appelle « le chant intérieur ». Il faut donc créer et cultiver un espace au fond de soi, dans sa pensée, créer un rapport intime et confiant avec son imagination, afin d’en libérer la créativité et d’entendre sa propre musique…
Mais cela ne suffit pas. Si l’élève, voire le musicien accompli, n’est pas juste avec lui-même, la précision des notes ne sera pas bonne. Cela arrive à bon nombre de « jouer faux » non pas par manque de technique, mais plutôt à cause de ce sentiment de ne pas « être là », d’être absent, ailleurs… Des tas de causes sont possibles. Le trac est la plus courante : la peur de rater, d’être jugé ou de décevoir envahit l’espace intérieur, et on n’entend plus rien… alors les automatismes tentent de sauver les meubles et souvent la « justesse » en pâtit. Mais on vient de le voir, elle n’était pas là au préalable…
Dans ce cas la justesse est celle de notre disposition intérieure. Comme être honnête, clair avec soi- même. Convaincu, à ce moment précis, d’être à sa juste place.
« Jouer juste » pourrait se traduire par : « jouer la note désirée au plus profond de soi-même ».
Vincent Longelin, Octobre 2022
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